Archéologie des espaces sacrés : explorer les religions anciennes
L’archéologie des espaces sacrés fait partie des champs disciplinaires rares qui font la spécificité de l’EPHE - PSL. Cette discipline apporte un éclairage inédit sur la place des religions dans les sociétés anciennes, tout en offrant une meilleure compréhension des dynamiques religieuses contemporaines.
L’archéologie des espaces sacrés, un héritage historique de l’EPHE - PSL
L’archéologie des espaces sacrés tente de restituer les pratiques et les rites des religions du passé. Elle s’appuie pour cela sur l’analyse et l’exploration de leurs dispositifs matériels : espaces consacrés au culte et résidences des dieux, forme architecturale des sanctuaires, offrandes exposées et déposées, formes scripturaires et plastiques de piété.
À l’École Pratique des Hautes Études, l’intérêt pour les pratiques religieuses remonte à la première moitié du 20e siècle et plus particulièrement aux travaux pionniers de certains enseignants de la 5e section. Les ethnologues et anthropologues Marcel Mauss, Maurice Leenhardt et Claude Lévi-Strauss s’intéressent par exemple à la nature des liens entre mythe et rite, tandis que les historiens et archéologues Henri Jeanmaire et Pierre Devambez exploitent les données archéologiques pour penser la religion. L’archéologie du rituel a véritablement pris son essor grâce aux travaux de John Scheid, tandis que François de Polignac est assurément celui qui donna le plus tôt une grande importance à l’archéologie des sanctuaires, à l’analyse spatiale des lieux de culte, aux paysages religieux du monde grec.
Aujourd’hui encore, la recherche et la formation menées par l’EPHE - PSL s’inscrivent dans la lignée de cet héritage en intégrant des approches interdisciplinaires couvrant une vaste aire géographique. L’archéologie des espaces sacrés se situe ainsi au carrefour de l’histoire, de l’anthropologie et de l’archéologie.
Une réponse aux défis contemporains
Dans un contexte où les discours académiques peinent à rivaliser avec la fabrique d’un passé souvent réécrit à des fins identitaires, le développement de ce champ d’études à l’EPHE - PSL joue un rôle important dans l’analyse rigoureuse et scientifique des religions.
Selon François Quantin, « l’étude des représentations religieuses et plus largement culturelles, la mise en récit et en image du passé, n’est assurément pas une activité réservée à la société académique, dont le discours scientifique connaît aujourd’hui une crise qui le rend souvent inaudible face à la promotion de revendications le plus souvent falsificatrices. La fabrique de l’ « ancien », de l’ « authentique », est ainsi un enjeu contemporain qu’il nous faut affronter. Entre disqualification et surévaluation du religieux, le travail sur les religions antiques, en particulier polythéistes, le retour aux sources documentaires est salutaire ». L’EPHE - PSL s’efforce de relever ces défis en privilégiant une approche fondée sur la documentation, qu’il s’agisse de textes anciens ou de découvertes archéologiques. En complément de ses formations diplômantes, elle dispense des conférences ouvertes à tous pour permettre au plus grand nombre d’acquérir de solides connaissances sur ces sujets et une pratique rigoureuse de la recherche.
Une formation rigoureuse et innovante
Conservatoire des savoirs rares et menacés, l’École Pratique des Hautes Études propose une approche critique et méthodique des traces concrètes des religions et des rituels du passé.
Fondé sur les découvertes archéologiques récentes et une combinaison raisonnée des sources textuelles et matérielles, cet enseignement insiste sur le « faire » plutôt que le « croire ». En mettant à distance les connaissances mal établies, cette démarche permet de questionner les savoirs traditionnels sur les religions et d’en offrir une vision nuancée : il ne s’agit pas de produire une image unique et simplifiée, mais bien d’insister sur les complexités des religions antiques et sur la difficulté d’établir les faits religieux. L'accent est ainsi mis sur les contradictions entre les sources et sur l’identification des mésinterprétations ou des surinterprétations, en intégrant historiographie et méthodologie.
Les étudiants, qu’ils soient en master ou en doctorat, bénéficient d’une formation complète qui allie théorie et pratique. Les conférences sont pensées comme des ateliers : autour d’un thème, d’un dossier documentaire, les élèves participent activement à la recherche en train de se faire. À ces séminaires s’ajoute bien souvent une expérience de terrain puisque plusieurs missions archéologiques, associées à l’EPHE - PSL et à la section des Sciences religieuses, accueillent chaque année des étudiants de l’École. Cette formation au plus près de leur objet d’étude renforce leur compréhension des pratiques et rituels anciens.
Soutenir la compréhension des enjeux de demain
En parallèle de la formation des étudiants, les chercheurs de l’EPHE - PSL poursuivent leur mission en contribuant à la compréhension des enjeux contemporains à travers des recherches de terrain et des études interdisciplinaires. Voici quelques exemples marquants des projets en cours :
Laurent Coulon, titulaire de la direction d’études « Religion de l’Égypte ancienne » et professeur au Collège de France, codirige la mission « Sanctuaires osiriens de Karnak », qui explore le culte d’Osiris.
Agnieszka Kedzierska Manzon s’intéresse à des thématiques telles que les dieux-fétiches, les cultes de possession, et les pratiques divinatoires, ainsi qu’aux nouvelles formes de ritualisation actuellement en expansion en Afrique. Son travail, récemment orienté vers les réappropriations contemporaines du passé ante-coloniale africain - réappropriations souvent non-dépourvues d’accents identitaires - s’inscrit dans le champ de l’anthropologie pragmatique du rituel, du corps et du langage.
Après avoir fouillé des sites dans la vallée du Moyen-Euphrate syrien (Terqa/Ashara, Kar-Assurnasirpal/ Tell Masaïkh), Maria Grazia Masetti-Rouault, spécialiste des cultures antiques du monde syro-mésopotamien, dirige une mission archéologique au Kurdistan irakien. Ses recherches se développent à Qasr Shemamok, la cité de Kilizu, où son équipe analyse les interactions culturelles et religieuses entre l'empire assyrien et la société locale.
Pascal Butterlin, expert du monde mésopotamien, mène des missions archéologiques à Mari et Khorsabad et a publié de nombreux ouvrages sur l’architecture et les pratiques religieuses en Mésopotamie.
François Quantin, se consacre à l’étude de l’architecture religieuse en Grèce ancienne et dirige la mission archéologique d’Apollonia d’Illyrie en Albanie, où il explore les sanctuaires et cultes de l’Antiquité.
© Direction de la Communication / C. David et F. Quantin