Avis de soutenance - doctorat - Adriane BOUSSAC

Fondée en discours sur un idéal de vertu, la légitimité de domination sociale de la noblesse fait l'objet d'interrogations et de discussions au cours des deux derniers siècles du Moyen Âge dans le royaume de France et ses marges. En effet, les échecs militaires, le contexte politique troublé et les nombreuses dénonciations des exactions ou de l'inaction des nobles engagent une rediscussion de l'essence de la noblesse, en tant que statut social qui se dit héréditaire et assis sur un idéal de vertu. Cette discussion se déploie au sein d'une documentation plutôt hétéroclite, entrecroisant textes normatifs, didactiques, littéraires et historiographiques. Ces discours s'assortissent d'un appel à punir ces nobles qui portent atteinte au code chevaleresque ou, plus largement, défaillent aux attentes que la société formule à leur endroit. Ces textes proposent ou mettent en scène tout un ensemble de marques d'humiliation et de punitions sanctionnant ces transgressions. En mobilisant l'éthique nobiliaire en contrepoint, ces atteintes diffamantes emploient un vocabulaire commun destiné à attaquer spécifiquement l'honneur du noble, en visant particulièrement l'identité nobiliaire ou chevaleresque à travers ses marqueurs. L'un des objectifs de cette thèse est d'explorer ce catalogue de paroles humiliantes, de gestes dégradants et de pratiques de relégation réservés aux nobles d'armes et d'observer comment il aboutit, en négatif, à une redéfinition de l'idéal nobiliaire. Ce panorama conduit à porter un regard renouvelé sur ces sanctions diffamantes qui constituent à la fois un outil politique pour le pouvoir royal et un mode de régulation des comportements entre pairs. En effet, les nobles d'armes, s'estimant légitimes à administrer ces sanctions, mobilisent ce même vocabulaire punitif envers les membres de leur groupe. Cette thèse permet ainsi de mettre en évidence la manière dont ces sanctions, qu'elles relèvent de la proposition ou qu'elles aient été effectivement mises en œuvre, participent à la cohésion culturelle du groupe nobiliaire, avec une réaffirmation des valeurs partagées, et s'inscrivent dans un système de justification stratégique de domination sociale. Par l'exploration d'une documentation variée, composée de textes témoins de la culture chevaleresque, d'actes de la pratique et de documents iconographiques, nous souhaitons mettre en lumière les rapports qu'entretiennent ces sanctions diffamantes avec l'évolution des pratiques judiciaires, la construction d'un imaginaire social propre à la noblesse d'armes et l'intégration de celle-ci au nouvel ordre monarchique.