Avis de soutenance - doctorat - Marine GUERBET
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Ecole doctorale 472
EPHE-Sorbonne _17 Rue de la Sorbonne 75005 Paris, France - salle Gaston Paris
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Soutenue par
Marine GUERBET
Thomas d'Aquin et le Manichéisme.
St Thomas d'Aquin pouvait avoir de nombreuses raisons de s'intéresser au manichéisme. Le XIIIè est le temps des Cathares, considérés en un sens comme des “néo-manichéens” ; Thomas mentionne parfois aussi des « hérétiques contemporains » de type dualiste qu'il rapproche et distingue des anciens manichéens, et parle même d'un auteur cathare. Le manichéisme est très important dans la tradition patristique, surtout augustinienne, reprise par l'Aquinate. Enfin, les enjeux liés au manichéisme sont parmi les plus importants de la philosophie : le premier principe, le mal, la liberté, le corps, etc. Pourtant ce thème n'a jamais été étudié pour lui-même, même si les allusions soulignant le rapport de Thomas aux manichéens et aux cathares sont régulières sous la plume des spécialistes. Cette thèse étudie le manichéisme dans l'œuvre de Thomas d'Aquin à travers ses 250 occurrences explicites et de nombreuses autres mentions indirectes, en le comparant avec ses prédécesseurs depuis l'aube du XIIIè. Comment, d'une part, Thomas identifie et réfute-t-il les grandes thèses manichéennes ? D'autre part, pourquoi s'intéresse-t-il au manichéisme ? S'agit-il d'un courant encore actif qu'il combat directement ? D'un héritage patristique convoqué pour la réflexion théologique ? D'un enjeu conceptuel servant à structurer sa pensée ?
L'étude montre que le manichéisme est vu comme un ensemble cohérent par St Thomas mais qu'il faut reconstruire cette cohérence à partir de questions traitées séparément dans son œuvre. Les enjeux sont variés, le manichéisme étant avant tout une « figure de pensée », reprise aux pères de l'Église qu'il utilise à des fins spéculatives. Thomas connaît avec précision les Cathares contemporains mais ne semble pas s'y intéresser beaucoup.
Pour contrer le manichéisme, Thomas d'Aquin reprend généralement St Augustin et les Pères mais substitue à la philosophie employée par Augustin une philosophie qui doit beaucoup à Aristote, notamment sur le premier principe, la nature et la cause du mal, la place du corps et des passions dans l'homme, l'analyse du choix, des inclinations naturelles et des habitus par rapport à la bonté de l'homme et de son agir. Mais surtout, les concepts et thèses travaillés pour répondre au manichéisme sont développés d'abord pour répondre à des problèmes différents du manichéisme et qui l'intéressent davantage : répondre à des interprétations faussées d'Aristote, contrer ceux qui attaquent la légitimité des mendiants, ou tout simplement trouver une réponse plus équilibrée à des problèmes philosophiques et/ou théologiques importants, à propos du corps ou de l'agir humain par exemple. Cette étude permet aussi de voir comment, sur de nombreux points, Thomas fait évoluer sa pensée grâce à une lecture approfondie d'Aristote et d'Augustin : il intègre de nouvelles thèses et analyses de ces derniers pour transformer sa propre théologie.
C'est sans doute dans la place qu'il accorde à la chair et à la consistance de l'ordre naturel qu'il se distingue le plus d'Augustin et qu'il répond le plus directement à un contexte théologique, spirituel et culturel qui a engendré une résurgence de mouvements gnostiques. L'enjeu n'est pas de fuir le monde, mais de le restaurer dans toutes ses dimensions et de le rendre à lui-même. Augustin a parlé du péché et de la rédemption, deux clés fondamentales pour expliquer comment le mal est entré dans le monde et comment il en sort ; les êtres ne sont pas mauvais par leur nature mais en tant qu'ils se corrompent. Cependant c'est Aristote qui permet à Thomas de rendre raison de façon concrète de la bonté de la nature et de ses dynamismes qui n'ont pas été détruits par le péché, en honorant davantage ce qui relève du corps.
Thomas Aquinas and Manichaeism.
Thomas Aquinas may have had many reasons to be interested in Manichaeism. The 13th century was the time of the Cathars, considered in a sense as "neo-Manichaeans"; Thomas also sometimes mentions dualist "contemporary heretics" whom he brings closer to and distinguishes from the ancient Manichaeans, and even speaks of a Cathar author. Manichaeism is very important in the patristic tradition, especially Augustinian, taken up by Aquinas. Finally, the issues linked to Manichaeism are among the most important in philosophy: the first principle, evil, freedom, the body and so on. Yet this theme has never been studied for its own sake, even though allusions to Thomas's connection with the Manichaeans and Cathars are regular in the writings of scholars.
This thesis studies Manichaeism in the works of Thomas Aquinas through its 250 explicit occurrences and numerous other indirect mentions, comparing it with his predecessors since the dawn of the 13th century. How does Thomas identify and refute the major Manichaean theses? And why is he interested in Manichaeism? Was it a current that was still active and that he directly opposed? Was it a patristic heritage that he used for theological reflection? A conceptual issue used to structure his thought?
The study shows that Manichaeism is seen as a coherent whole by St Thomas, but that this coherence needs to be reconstructed on the basis of questions treated separately in his work. The issues are varied, as Manichaeism is above all a "figure of thought", taken from the Church Fathers, which he uses for speculative purposes. Thomas knows the contemporary Cathars well, but doesn't seem to have much interest in them.
To counter Manichaeism, Thomas Aquinas generally takes up St. Augustine and the Fathers, but substitutes the philosophy employed by Augustine with one that owes much to Aristotle, notably on the first principle, the nature and cause of evil, the place of the body and passions in man, the analysis of choice, natural inclinations and habitus in relation to the goodness of man and his actions. But above all, the concepts and theses developed in response to Manichaeism are developed first and foremost in response to problems that are different from and of greater interest to Manichaeism: responding to distorted interpretations of Aristotle, countering those who attack the legitimacy of beggars, or simply finding a more balanced response to important philosophical and/or theological problems, concerning the body or human action for example. This study also shows how, on many points, Thomas evolves his thinking thanks to an in-depth reading of Aristotle and Augustine: he integrates new theses and analyses from the latter to transform his own theology.
It is undoubtedly in the place he accords to the flesh and the consistency of the natural order that he differs most from Augustine, and that he responds most directly to a theological, spiritual and cultural context that has given rise to a resurgence of Gnostic movements. The challenge is not to flee the world, but to restore it in all its dimensions and return it to itself. Augustine spoke of sin and redemption, two fundamental keys to explaining how evil entered the world and how it leaves it; beings are not evil by their very nature, but insofar as they corrupt themselves. However, it is Aristotle who enables Thomas to give a concrete account of the goodness of nature and its dynamisms, which have not been destroyed by sin, by giving greater honor to what belongs to the body.
Directeur de thèse :
Olivier BOULNOIS
Cotutelle :
ANGELICUM Pontificia Università San Tommaso d'Aquino (ITALIE)
Unité de recherche :
Laboratoire d'études sur les monothéismes
Membres du jury :
- Directeur de thèse : Olivier BOULNOIS
- CoDirecteur de thèse : Serge-Thomas BONINO , Professeur des universités (Angelicum/PUST)
- Président : Thierry-Dominique HUMBRECHT , Professeur (Institut Catholique de Toulouse)
- Examinateur : Matthieu RAFFRAY , Professeur (PUST (Angelicum))
- Rapporteur : Isabelle MOULIN , Maître de conférences (Université de Strasbourg)
Diplôme :
Doctorat Religions et systèmes de pensée
Spécialité de soutenance :
Etudes médiévales