Avis de soutenance - doctorat - Nicolas VARAINE

Cette thèse propose pour la première fois une étude de la peinture byzantine en Crète vénitienne au prisme de la sainteté féminine. Le culte et la représentation des saintes femmes sont examinés à partir d'un corpus substantiel – sans équivalent dans le reste du monde byzantin – incluant près de trois cents monuments qui conservent pour l'essentiel de décors peu connus. Des représentations des saintes femmes ont ainsi été identifiées dans plus du quart des décors peints réalisés à cette période, et ce, malgré de nombreuses pertes. Ces représentations, qui consistent en portraits comme en cycles narratifs, comprennent des images rares, voire uniques, qui mettent en lumière la diversité des représentations des saintes dans les églises du monde grec à la fin du Moyen Âge. Dans l'espace ecclésial, elles apparaissent dans les emplacements les plus divers, de la façade au sanctuaire, témoignant des différents rôles que revêtent les saintes dans la dévotion individuelle aussi bien que dans la liturgie, reflétant les pratiques cultuelles des communautés villageoises et des fondateurs d'églises comme la sensibilité monastique. La présence de nombreux cycles narratifs amène à s'interroger sur les modalités de fonctionnement de ces récits peints : les rapports texte-image, la circulation et le remploi de formules iconographiques, la structure et la temporalité de l'hagiographie picturale ou encore l'adaptation à l'espace sont autant d'aspects de ces cycles examinés dans ce travail. Une rhétorique visuelle propre à l'hagiographie s'y fait jour, où chaque épisode doit être considéré isolément, en tenant compte de son rôle au sein de séquences narratives plus larges. La présence des saintes femmes invite de surcroît à interroger les enjeux de la mise en image du corps féminin dans l'espace public de l'église : il doit être pensé selon la conception chrétienne du corps et de son usage, mais aussi en tant qu'agent de la narration et selon les normes genrées qu'il réactive et, parfois, déjoue. Enfin, dans une aire culturelle où Grecs et Latins se côtoient, les images des saintes posent la question du rôle social des femmes. L'étude s'attache à déterminer dans quelle mesure le culte des saintes femmes peut refléter les rapports entre deux communautés. L'analyse menée dans cette étude permet de constater une présence féminine significative dans la peinture monumentale byzantine, y compris dans des espaces et des contextes où elle paraît inattendue mais s'avère apte à répondre aux préoccupations des fidèles, hommes comme femmes, tout au long de leur vie.