Avis de soutenance - doctorat - Pierre NACHAAT AYAD ABDELSAYED

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Ecole doctorale 472
Mardi 17 décembre, de 14 h à 18 h, Maison des Sciences de l'Homme, 54 boulevard Raspail, 75006 Paris, salle 1
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Soutenue par Pierre NACHAAT AYAD ABDELSAYED

Deux lectures du Moyen-Orient : les géopoliticiens occidentaux et les auteurs djihadistes (1900-1989)

Cette thèse compare les visions portées sur le Moyen-Orient par les géopoliticiens occidentaux et les auteurs djihadistes entre 1900 et 1989. Elle vise à déterminer dans quelle mesure les théories géopolitiques occidentales ont influencé, directement ou indirectement, le développement des idéologies djihadistes dans le contexte de l'impérialisme occidental. La première partie examine les théories de penseurs géopolitiques tels qu'Alfred Thayer Mahan, Halford Mackinder, Nicholas Spykman, André Chéradame et Morris Jastrow. Mahan soulignait l'importance de la puissance navale et du contrôle des routes maritimes, comme le canal de Suez. La "Théorie du Heartland" de Mackinder plaçait l'Eurasie centrale, y compris le Moyen-Orient, au cœur de la domination mondiale. Chéradame, un publiciste français, dénonçait fermement les ambitions expansionnistes de l'Allemagne via le Bagdadbahn, qu'il percevait comme une menace directe pour les intérêts français et britanniques. Jastrow, un orientaliste américain, voyait dans le Bagdadbahn un vecteur de développement économique, non un outil impérial. Enfin, la "Théorie du Rimland" de Spykman soulignait l'importance stratégique des régions côtières, notamment au Moyen-Orient, pour la suprématie mondiale. Ces théories ont profondément influencé les stratégies coloniales et géopolitiques occidentales dans la région, notamment à travers l'accord Sykes-Picot et la création d'Israël. Ces interventions, en ignorant les réalités ethniques et religieuses complexes, ont exacerbé les tensions et entraîné des conflits prolongés dans la région. La deuxième partie de la thèse étudie les principaux penseurs djihadistes, tels qu'Hassan al-Banna, Sayyid Qutb et Abdullah Azzam, dont les écrits ont formé la base idéologique du djihadisme moderne. Al-Banna, fondateur des Frères musulmans, prônait une renaissance islamique pour contrer l'influence coloniale et les gouvernements séculiers. Qutb approfondissait ces idées, considérant l'Occident comme moralement corrompu et prônant le djihad pour instaurer un État islamique. Azzam, figure centrale du djihad mondial, plaidait pour une lutte islamique globale, reliant la résistance locale à une cause panislamique. Bien que les penseurs djihadistes aient rejeté la domination occidentale, leurs stratégies de résistance à l'impérialisme reflétaient souvent des cadres géopolitiques occidentaux. Par exemple, Mackinder et Qutb reconnaissaient l'importance du Moyen-Orient, mais alors que Mackinder le voyait comme clé pour le contrôle mondial, Qutb y voyait la scène de la résurgence islamique contre l'Occident. De même, les craintes de Chéradame face aux projets étrangers comme le Bagdadbahn reflétaient le rejet de la domination extérieure par les djihadistes. L'appel d'Azzam à un djihad mondial peut être perçu comme une réponse aux stratégies occidentales qui privilégiaient le contrôle territorial. En conclusion, cette thèse démontre que les théories géopolitiques occidentales ont indirectement contribué à la mise en place de politiques coloniales au Moyen-Orient. Ces politiques, en redéfinissant la région selon des intérêts impériaux et en ignorant les réalités locales, ont provoqué un rejet profond de la part des populations concernées. Ce rejet s'est exprimé par l'émergence d'idéologies djihadistes, perçues comme une réponse à l'ingérence et à l'oppression. Cependant, bien que les penseurs djihadistes aient été influencés par le contexte géopolitique façonné par l'Occident, ils n'ont pas développé une véritable réflexion géopolitique dans un sens strict. À l'exception de certains aspects marginaux chez Abdullah Azzam, ces auteurs se sont concentrés davantage sur la résistance idéologique et religieuse que sur une analyse stratégique comparable à celle des théoriciens occidentaux. Ainsi, l'influence des géopoliticiens occidentaux sur les théoriciens djihadistes se manifeste indirectement, à travers les conséquences de leurs actions sur les dynamiques régionales.

The Middle East through two perspectives: Western geopolitical authors and jihadist authors (1900-1989)

This thesis examines the perspectives on the Middle East held by Western geopolitical thinkers and jihadist authors between 1900 and 1989, using a comparative approach. The objective is to determine to what extent Western geopolitical theories directly or indirectly influenced the development of jihadist ideologies, particularly in the context of Western imperialism. The first part explores the theories of influential Western geopolitical thinkers such as Alfred Thayer Mahan, Halford Mackinder, Nicholas Spykman, André Chéradame, and Morris Jastrow. Mahan emphasized the importance of naval power and control of maritime routes, such as the Suez Canal. Mackinder's "Heartland Theory" placed Central Eurasia, including the Middle East, at the center of global dominance, asserting that control of this region could determine global power dynamics. Chéradame, a French publicist, denounced Germany's expansionist ambitions via the Bagdadbahn, a railway linking Berlin to Baghdad, as a direct threat to French and British interests. Jastrow, an American Orientalist, saw the Bagdadbahn as a vehicle for economic development rather than imperial domination. Spykman's "Rimland Theory" highlighted the importance of coastal regions, particularly in the Middle East, for global supremacy. These theories deeply influenced Western colonial strategies in the region, notably the Sykes-Picot Agreement and the creation of Israel. These interventions, by ignoring the region's complex ethnic and religious realities, exacerbated tensions and led to decades of conflict. The second part examines key jihadist thinkers, such as Hassan al-Banna, Sayyid Qutb, and Abdullah Azzam, whose writings laid the ideological foundations of modern jihadism. Al-Banna, founder of the Muslim Brotherhood, advocated for an Islamic revival to counter Western colonial influence and secular governments. Qutb expanded on these ideas, viewing Western culture and political structures as corrupt, and promoted jihad as necessary to establish an Islamic state. Azzam, a central figure in global jihad, called for a global Islamic struggle, linking local resistance efforts to a broader pan-Islamic cause. Although jihadist thinkers rejected Western domination, their strategies for resisting imperialism often reflected Western geopolitical frameworks. For example, both Mackinder and Qutb recognized the importance of the Middle East, but while Mackinder saw it as key to global control, Qutb viewed it as the site of Islamic resurgence against the West. Similarly, Chéradame's fears of foreign projects like the Bagdadbahn echoed the jihadists' emphasis on rejecting external domination. Azzam's call for a global jihad can be seen as a response to Western strategies, such as those surrounding the Bagdadbahn, which prioritized territorial control. In conclusion, the thesis demonstrates that Western geopolitical thinkers, through their theories and analyses, indirectly contributed to colonial policies in the Middle East. These policies, by redrawing the region according to imperial interests and ignoring local realities, provoked a deep rejection from the affected populations. This rejection was expressed notably through the emergence of jihadist ideologies, which served as a response to perceived interference and oppression. However, it is important to note that jihadist thinkers, although influenced by the geopolitical context shaped by the West, did not develop a true geopolitical analysis in the strict sense. With the exception of some marginal aspects in Abdullah Azzam's work, these authors focused more on ideological and religious resistance than on a comprehensive strategic analysis comparable to that of Western theorists. Thus, the influence of Western geopolitical thinkers on jihadist theorists manifests indirectly, through the consequences of their actions on regional dynamics.
Directeur de thèse :
Martin MOTTE
Unité de recherche :
Histoire de l'art, des représentations et de l'administration en Europe
Membres du jury :
  • Directeur de thèse : Martin MOTTE
  • Rapporteur : DAVID CUMIN , Maître de conférences (Université Lyon 3: Jean Moulin)
  • Rapporteur : Patrick LOUVIER , Maître de conférences (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
  • Président : Olivier ZAJEC , Professeur des universités (Université Lyon 3: Jean Moulin)
  • Examinateur : Anne-Claire DE GAYFFIER-BONNEVILLE , Maître de conférences (I.N.A.L.C.O)
  • Examinateur : Dominique AVON
Diplôme :
Doctorat Histoire, textes, documents
Spécialité de soutenance :
Sciences politiques