Avis de soutenance - doctorat - Valentina PUNZI

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Ecole doctorale 472
Ülikooli 16, 51005, Tartu
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Soutenue par Valentina PUNZI

Faire des (hi)stories en Amdo : voix, genres et autorités

La thèse se compose d'une introduction et de quatre articles. Elle analyse la représentation du passé du point de vue des communautés tibétaines contemporaines d'Amdo. Cette dernière est une région linguistiquement et ethniquement diverse, située dans la partie nord-est du Plateau Tibétain, qui correspond aujourd'hui en grande partie à la province de Qinghai dans la République Populaire de Chine (RPC). Bien que les études de cas présentées dans les articles aient une portée géographique limitée, elles embrassent une étendue temporelle considérable. Basé sur des récits oraux enregistrés dans le village de Drakar, le premier article retrace l'inscription de trois généraux mongols dans le paysage tibétain par leur transformation en divinités protectrices. Le récit illustre que la division ethnique entre Mongols et Tibétains ne concerne pas seulement les humains, mais se transpose également dans le surnaturel. S'appuyant sur la polysémie du terme « bandit » en tibétain et en chinois, le deuxième article explore la transformation des définitions orales et écrites du banditisme en Amdo et son rôle dans le contexte politique chinois du XXe siècle. Basé sur la notion de participation générique de Derrida et sur la théorie de l'intertextualité des genres de Briggs et Bauman, le troisième article analyse la relation interdépendante entre « récit » et « histoire » à travers l'exemple du récit oral dans une communauté tibétaine du comté de rTse-khog, en rapport avec la Révolution Culturelle (1966-1976). Le quatrième article étudie comment les mémoires locales et les tensions ethniques liées aux activités minières des années 1930-1940 sont rituellement abordées dans un village tibétain du comté autonome hui de Hualong. Ensemble, ces articles démontrent que l'histoire est principalement comprise comme l'organisation narrative d'événements passés significatifs pour les communautés tibétaines contemporaines d'Amdo. Les données de recherche ont été collectées lors de mes missions de terrain en Amdo entre 2010 et 2018. Les sources principales incluent des interviews enregistrées, des photos et des vidéos. La méthodologie reposait sur des interviews qualitatives non structurées que j'ai personnellement menées en tibétain et en mandarin. De plus, j'ai consulté des livres d'histoire locaux publiés officiellement et non officiellement. Le cadre théorique s'appuie sur trois corpus distincts de la littérature académique : l'histoire comme narration, la mémoire collective, et la religion vernaculaire. En ce qui concerne « l'histoire comme narration », j'ai suivi l'approche de la Microstoria pour montrer comment le récit oral tibétain et l'historiographie officielle chinoise partagent une approche narrative du passé. Dans ce contexte, le genre collectif de l'(hi)story souligne la distinction floue entre les genres « histoire » et « récit » qui caractérise les deux. Par « mémoire collective », je fais référence à la dimension sociale où les Tibétains partagent et reproduisent des connaissances sur le passé. En m'appuyant sur la distinction d'Assmann entre mémoire communicative et mémoire culturelle, je soutiens que la mémoire culturelle tibétaine émerge comme une somme sélective de fragments de mémoire communicative que les individus jugent significatifs pour leur identité contemporaine. Selon la définition de Primiano, j'utilise « religion vernaculaire » pour désigner les multiples dimensions expérientielles de la religion telles qu'elles sont vécues par les individus dans leurs expressions verbales et non verbales de croyance. Dans les articles de la thèse, les croyances et rituels tibétains sont analysés comme des réponses aux besoins spécifiques du présent. En se concentrant sur les manières dont le passé est remémoré et réélaboré culturellement dans le contexte des communautés tibétaines d'Amdo, la thèse élargit notre connaissance des pratiques de création d'histoire et de mémoire dans la République Populaire de Chine dans son ensemble.

Making (hi)stories in Amdo: voices, genres, and authorities

The thesis consists of an introduction and four articles. It analyses the representation of the past from the standpoint of contemporary Tibetan communities in Amdo. The latter is a linguistically and ethnically diverse region in the northeastern part of the Tibetan Plateau, which today largely coincides with Qinghai Province in the People's Republic of China (PRC). While the case-studies presented in the articles have a limited geographic scope, they cover a considerable temporal stretch. Based on oral storytelling recorded in Drakar village, the first article retraces the inscription of three Mongol generals into the Tibetan landscape by means of their transformation into protective deities. The storyline testifies that the ethnic divide between Mongols and Tibetans does not only concern humans but is also transposed into the supernatural. Based on the polysemy of the term “bandit” both in Tibetan and Chinese, the second article traces the transformation of the Tibetan oral and written definitions about banditry in Amdo and its role within the political context of China in the twentieth century. Based on Derrida's notion of genre participation and Briggs and Bauman's theory of the intertextuality of genres, the third article analyzes the interdependent relationship between “story” and “history” through the example of oral storytelling in a Tibetan community in Tsekog County with regard to the Cultural Revolution (1966-1976). The fourth article analyses how local memories and ethnic tensions over mining activities occurred in the 1930s-1940s are ritually addressed in a Tibetan village in Hualong Hui Autonomous County. Together the articles demonstrate that history is primarily understood as the narrative organization of past events that are meaningful to contemporary Tibetan communities in Amdo. The data of the research were collected during my fieldwork trips in Amdo between 2010 and 2018. The main sources consist of audio recorded interviews, photos, and videos. The methodology was based on unstructured qualitative interviews that I personally conducted in Tibetan and Mandarin. In addition, I consulted officially and unofficially published local history books. The theoretical framework draws on three separate bodies of academic literature: history as narration, collective memory, and vernacular religion. With regard to "history as narration", I followed the Microstoria approach to show how Tibetan oral storytelling and Chinese official historiography share a narrative approach to the past. In this respect, the collective genre of (hi)story point at the blurred distinction between the genres “history” and “story” that characterizes both. By “collective memory” I refer to the social dimension wherein Tibetans share and reproduce knowledge about the past. Drawing on Assmann's distinction between communicative and cultural memory, I argue that Tibetan cultural memory emerges as a selective sum of pieces of communicative memory that people consider meaningful to their contemporary identity. Following Primiano's definition, I use “vernacular religion” to refer to the multiple experiential dimensions of religion as it is lived by individuals in their verbal and non-verbal expressions of belief. In the articles of the thesis, Tibetan beliefs and rituals are analysed as responses to specific needs of the present. By focusing on the ways the past is remembered and culturally re-elaborated in the context of Tibetan communities in Amdo, the thesis broadens our knowledge of history-making and memory-making practices in the People's Republic of China at large.
Directeur de thèse :
Charles RAMBLE
Cotutelle :
Tartu University (ESTONIE)
Unité de recherche :
Centre de recherche sur les civilisations de l'Asie Orientale
Membres du jury :
  • Directeur de thèse : Charles RAMBLE
  • Directeur de thèse : Ülo VALK , Full professor (University of Tartu)
  • Examinateur : Alevtina SOLOVYEVA , Chargé de recherche (University of Tartu)
  • Examinateur : Art LEETE , Full professor (University of Tartu)
  • Président : Françoise ROBIN , Professeur (INALCO)
  • Examinateur : Grégory DELAPLACE
  • Rapporteur : Cristiana TURINI , Associate professor (Università di Macerata)
  • Rapporteur : Daniel BEROUNSKY , Professeur (Charles University, Prague)
Diplôme :
Doctorat Histoire, textes, documents
Spécialité de soutenance :
Langues, civilisations et sociétés orientales