L'expédition Tara Pacific livre ses premiers résultats
La diversité du microbiome des récifs coralliens du Pacifique est proche de celle des micro-organismes sur Terre.
Depuis longtemps impliquée dans le développement de la connaissance des écosystèmes coralliens, l'École Pratique des Hautes Études - PSL, représentée par Serge Planes, directeur d’études cumulant à l'EPHE - PSL, a pris part à l’expédition Tara Pacific. Initiée par la Fondation Tara Océan, cette mission, dont l'Université PSL est partenaire scientifique, livre les premiers résultats de la plus grande étude de la diversité du microbiome des récifs coralliens menée à ce jour via une première série d'articles scientifiques publiés dans Nature Communications. D'une ampleur inédite, ce projet pluridisciplinaire a impliqué des chercheuses et chercheurs de premier plan de l'EPHE - PSL et des établissements-composantes de PSL.
Selon une nouvelle étude, la diversité du microbiome des récifs coralliens du Pacifique, c'est-à-dire des micro-organismes qui contribuent à la productivité et à la biodiversité des récifs, pourrait atteindre une valeur proche de la diversité totale estimée des micro-organismes sur Terre. Les résultats, publiés dans Nature Communications et reposant sur les données recueillies à bord de la goélette Tara pendant l'expédition Tara Pacific pendant plus de deux ans, représentent la plus grande étude de la diversité du microbiome des récifs coralliens à ce jour et indiquent que le nombre total de microorganismes pourrait avoir été considérablement sous-estimé.
Les récifs coralliens font partie des écosystèmes les plus diversifiés de la planète et abritent 30 % de la diversité marine, dont des millions d'organismes multicellulaires et de micro-organismes associés. Ces micro-organismes sont un indicateur important de la santé des récifs, mais l'étendue de la biodiversité des récifs coralliens est encore inexplorée à l'échelle océanique. En outre, l'avenir des récifs coralliens suscite une inquiétude générale en raison du déclin de la couverture corallienne, conséquence du changement climatique.
Pierre Galand et ses collègues ont collecté un total de 5 392 échantillons de trois espèces de coraux (Millepora platyphylla ou corail de feu en plaques, Porites lobata, et Pocillopora meandrina ou pocillopore méandreux), de deux espèces de poissons (Acanthurus triostegus ou chirurgien-bagnard et Zanclus cornutus ou idole maure), et de plancton dans 99 récifs différents issus de 32 systèmes insulaires du Pacifique entre 2016 et 2018. Ces échantillons ont été séquencés pour déterminer la composition du microbiome des récifs et cartographiés pour enregistrer la distribution géographique. Les auteurs ont également mesuré la température, la salinité et d'autres caractéristiques environnementales de l'eau sur chaque site d'échantillonnage.
Les auteurs indiquent que leurs échantillons comprennent 2,87 milliards de séquences génétiques, soit environ 25 % de plus que les 2,2 milliards d'échantillons rapportés précédemment par le projet microbiome Terre (Earth Microbiome Project – un projet de cartographie de la diversité du microbiome dans le monde entier). Dans l'ensemble, c'est le plancton qui présente la plus grande diversité de microbiomes. Parmi les espèces de coraux, c'est le corail de feu en plaques qui présentait le microbiome le plus diversifié, tandis que chez les poissons, les microbiomes de l’idole maure étaient plus diversifiés que ceux du poisson chirurgien-bagnard. Les auteurs signalent que les microbiomes coralliens n'ont pas suivi le schéma attendu d'une plus grande diversité dans le Pacifique occidental, qui abrite une plus grande variété d'espèces coralliennes que le Pacifique oriental. Il n'y avait pas non plus de corrélation significative entre la température de l'eau de mer et la diversité des microbiomes.
Un deuxième article d'Alice Rouan, d'Eric Gilson et de leurs collègues, également publié dans Nature Communications, a étudié la relation entre les changements de température de l'eau et la longueur des télomères de l'ADN (un marqueur de santé et de vieillissement sensible à l'environnement) dans deux types de coraux durs. Les auteurs rapportent que les variations saisonnières de température affectent la longueur des télomères chez les coraux durs (Pocillopora), qui ont une durée de vie courte et sont sensibles au stress, tandis que les espèces de coraux durs (Porites), qui ont une durée de vie plus longue et sont plus robustes, sont davantage affectées par les vagues de chaleur et les périodes de froid inhabituelles que par les variations saisonnières. Cela indique que les télomères de certains coraux peuvent réagir différemment aux effets du changement climatique.
Deux autres articles publiés dans Scientific Data, respectivement par Fabien Lombard et ses collègues et Caroline Belser et ses collègues, décrivent la méthodologie d'échantillonnage et le cadre de production de données de Tara Pacific.
L'ensemble de ces documents donne un aperçu de la santé et de la biodiversité des récifs coralliens de l'océan Pacifique.
L'expédition Tara Pacific, initiée par la Fondation Tara Océan et ses partenaires scientifiques internationaux, au premier plan desquels le CNRS, l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL), le CEA et le Centre Scientifique de Monaco, est un projet multidisciplinaire qui explore la biodiversité de milliers de récifs coralliens dans l'océan Pacifique. Plus de 100 scientifiques de 23 instituts de huit pays y ont contribué. La goélette Tara a entrepris une expédition de deux ans et demi (2016-2018) pour collecter des échantillons dans plus de trente systèmes insulaires. Les résultats de l'expédition sont présentés dans une collection de huit articles publiés dans plusieurs revues de Springer Nature.
En savoir plus sur le site de la Fondation Tara Océan.